De passage en Normandie

Influence d’Eugène Isabey

C’est Eugène Isabey qui lui fait découvrir la côte normande et la Bretagne pour la première fois en 1847.

En 1850 et 1851, Isabey emmène son élève, ainsi que d’autres peintres en Normandie et complète ainsi sa découverte de la côte normande. (Harfleur, Fécamp, Saint-Valéry-en-Caux..)

Au Salon de 1850 il expose une vue du port de Harfleur et en 1851, il peint une aquarelle des falaises d’Etretat
Toute sa vie, Jongkind reconnaitra sa dette envers Eugène Isabey qui sut habilement compléter la formation apportée par Schelfhout.
En 1870, il signe, en plein succès « artiste peintre élève de Monsieur Eugène Isabey. »
En 1852, il expose au Salon une toile : Saint-Valéry-en-Caux

Ses voyages fréquents en Normandie avec Mme Fesser

Le 14 août 1862, ils arrivent au Havre, qui sera leur port d’attache jusque fin octobre ; ils sillonnent la région et en particulier se rendent à Sainte-Adresse, avec sa plage et ses falaises.
Le 17 septembre 1862 il écrit à Boudin : « Je vous dirai nous sommes retenu a Havre jusqu’à présent et pendant ce temps-là je me suis occuper toujours pour faire des études à Ste-Adresse » (vocabulaire et orthographe de Jongkind)

Eugène Boudin : une rencontre décisive

C’est en 1861 que Jongkind fait la connaissance d’Eugène Boudin à l’atelier d’Isabey ; le peintre honfleurais est conquis autant par l’homme que par le peintre. Ils se lient vraiment d’amitié.

 « Mon bon ami Boudin,
Je vous trouve fort heureux dans ce beaux pays ou il y a tant à peindre et ou l’on peut vivre si tranquillement.[…] Il me reste à vous dire que j’ai conservé un bon souvenir de notre séjour au Havre et de votre accueil d’ami à Trouville et à Honfleur. »

Jongkind, lettre à Boudin, 3 décembre 1862

Les deux amis ne se quittent plus ; ils se retrouvent à Paris pendant l’hiver 1863 puis à Honfleur durant l’été 1863. Mais c’est à la fin de l’été 1864 que leur productivité sera la plus forte et qu’ils passeront leurs plus belles journées à l’auberge de la ferme Saint-Siméon chez « la mère Toutain. »
« Jongkind commençait à faire avaler une peinture dont l’écorce un peu dure cachait un fruit excellent et des plus savoureux. J’en profitai pour entrer aussi par la porte qu’il avait forcée, et je commençai, quoique timidement encore, à offrir mes marines. »
Eugène Boudin l’Art, juin 1887

La ferme Saint-Siméon chez la mère Toutain

Monet qui s’y trouve déjà depuis le printemps, avec son ami Bazille, apprécie la compagnie de Jongkind avec lequel il ne cesse de peindre.
L’auberge des Toutain devient le lieu de rendez-vous des écrivains, des musiciens et des peintres.

«… une ferme sous des pommiers plantés dans des prés verts, avec vue sur la mer. Boudin, Corot, Cals,  Daubigny, Monet, Jongkind y ont passé… »

Pissarro à son fils Lucien, 10 juillet 1903

Ci-contre : Aquarelle de E Boudin à la ferme Saint-Siméon avec

les peintres : Jongkind, Van Marcke, Claude Monet et le père Achard

« ..Je suis toujours à St-Siméon, on y est heureux, j’y travaille beaucoup.[…] Nous avons un petit cercle bien agréable. Boudin et Jongkind sont là, nous nous entendons à merveille et nous ne nous quittons plus[…]je regrette bien que vous ne soyez pas là car en pareille société il y a bien à apprendre… »

Monet, lettre à Bazille, 26 août 1864

Honfleur source d’inspiration pour Jongkind

Il passera les étés de 1863, 1864 et 1865 à Honfleur en compagnie de Madame Fesser.

Comment ne serait-il pas séduit par ce port, qui, comme le décrit Moreau-Nélaton, est « le théâtre d’un va-et-vient incessant de voiles et de mâtines variées, avec l’animation de ses jetées et le pittoresque de ses vieilles habitations autour de la plus originale des églises, avec ses chantiers de constructions maritimes, ses plages aux vastes horizons et les frais herbages d’alentour. »

 

A Honfleur, l’ambiance est à la camaraderie. Les peintres jouent aux dominos, boivent et travaillent ensemble. Monet, Jongkind et Mme Fesser planteront leurs chevalets côte à côte devant la chapelle de Notre-Dame de Grâce le 14 septembre 1864.
« J’ai déjà fait beaucoup de croquis, de dessins et d’aquarelles […] je pense que Honfleur donne tout ce qu’il faut comme motifs à faire de beaux tableaux…ses chantiers de constructions maritimes, ses plages aux vastes horizons et les frais herbages »
Jongkind lettre à F Martin, août 1865

Le panorama d’Honfleur est une sorte de toile de fond que Jongkind a utilisé maintes fois pour réaliser ses œuvres. Il fera de nombreuses versions, à l’aquarelle, à l’huile, et même des gravures à l’eau forte de l’entrée, de la sortie du port d’Honfleur.
On peut voir sur l’huile sur toile ’Entrée du port de Honfleur 1864 le panorama qui embrasse toute la ville située entre ses deux collines, la côte vassale (à gauche) et la côte de Grâce (à droite).
Jongkind fait une description très vivante d’un port commercial à l’activité florissante où naviguent un grand voilier, des bateaux de pêche ainsi que de petites embarcations à rames…Comme à son habitude, Jongkind peint sur ses toiles et aquarelles la présence et l’activité de l’homme. Le peintre reste fidèle à ses origines, son amour de l’eau et des bateaux, c’est un observateur, attentif de la réalité : loin de la foule des estivants,(contrairement à Boudin) il préfère peindre des scènes animées par le travail des hommes.
« Je trouve Honfleur le pays le plus admirable, aussi comme vue et que j’aime beaucoup le cidre et le bon pain de Normandie. »
Lettre de Jongkind à Eugène Boudin en 1864

Certains de ses tableaux du port de Honfleur se retrouvent dans les plus beaux musées du monde.
X